Le droit de retrait présente la particularité de s’exercer à l’initiative de l’agent, même si celui-ci doit alerter son employeur préalablement.
Un exercice inapproprié du droit de retrait est donc possible. Il est donc essentiel que les employeurs puissent répondre à toute question sur le sujet et fournir en temps utile une information qui permettra aux agents de ne mobiliser le droit de retrait que dans des cas qui le justifieraient réellement.
Dans quelles conditions les agents peuvent-ils exercer leur droit de retrait ?
Le droit de retrait est une disposition permettant à l’agent qui a un motif raisonnable de penser que la situation de travail à laquelle il est confronté présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ou qui constate une défectuosité dans les systèmes de protection, de se retirer de son poste de travail sans encourir de sanction ou de retenue sur salaire. Prévu pour le secteur privé aux articles L.4131-1 et L.4131-3 du code du travail, il est organisé, pour les agents publics d’Etat, par les dispositions de l’article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène, et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique. Le TA de Besançon a, par un jugement du 10 octobre 1996 Glory c/ commune de Châtenois-Les-Forges, considéré que le droit de retrait constituait un principe général du droit bénéficiant à tout agent public. Suivant cette interprétation, il s’agit donc d’un droit subjectif de l’agent de se retirer d’une situation de danger imminente, tout en sachant que ce comportement doit avoir des bases objectives. Préalablement à l’exercice de ce droit, l’agent a l’obligation d’alerter son chef de service du problème à l’origine de son intention d’utiliser le retrait, les textes n’imposant pas de formalité particulière (cf annexe 1).
A partir de quand peut-on parler d’un danger grave et imminent ?
Le danger est défini comme la capacité ou la propriété intrinsèque d’un équipement, d’une substance ou d’une méthode de travail de causer un dommage pour la santé (les dangers de l’électricité, de l’amiante, de la manutention manuelle...). Le danger est distingué du risque qui représente l’éventualité de la rencontre entre une personne et un danger auquel elle peut être exposée. Sur la notion de « danger grave », la circulaire du ministre du travail n 93-15 du 25 mars 1993 relative à l’application de la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 donne la définition suivante : « tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ». Pour les tribunaux, ce danger doit être distingué du risque « habituel » du poste de travail et des conditions normales d’exercice du travail, même si l’activité peut être pénible ou dangereuse. Un travail reconnu dangereux en soi ne peut justifier l’exercice du droit de retrait.
Concernant la question de l’imminence, le droit de retrait vise « tout danger susceptible de se réaliser brutalement et dans un délai rapproché » (Circulaire du ministre du travail du 25 mars 1993). C’est la proximité de la réalisation du dommage (et non donc celle de l’existence d’une menace) qui doit donc être prise en compte. L’imminence ne concerne donc pas seulement la probabilité, mais la probabilité d’une survenance dans un délai proche (CA Paris 26 avril 2001, 21ème ch., Verneveaux c/ RATP).
Concernant une situation épidémique, on peut en déduire, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, que dans la mesure où le droit de retrait vise une situation de travail, la crainte que représenterait par exemple une contamination dans les transports (exposition environnementale) ne saurait constituer a priori une base solide d’exercice du droit de retrait.
Existe-t-il des missions incompatibles avec le droit de retrait ?
Le droit de retrait, comme tout droit accordé aux fonctionnaires, doit pouvoir être articulé avec la nécessité de continuité du service public et de préservation de l’ordre public (cf sur le droit de grève qui est un droit constitutionnel, CE, 7 juillet 1950, Dehaene). Dans ce cadre, un certain nombre de métiers ou corps de fonctionnaires sont visés par des arrêtés interministériels de limitation du droit de retrait (policiers municipaux, administration pénitentiaire, agents en fonction dans les missions diplomatiques et consulaires, sapeurs-pompiers, militaires - de par leur statut -). En période d’épidémie, les personnels qui sont exposés au risque de contamination du virus du fait de la nature de leur activité habituelle (personnels de santé ; personnels chargés du ramassage et du traitement des déchets par exemple), parce qu’ils sont systématiquement exposés à des agents biologiques infectieux du fait même de l’exercice normal de leur profession (risque professionnel) ou parce que leur maintien en poste s’impose pour éviter toute mise en danger d’autrui, ne peuvent légitimement exercer leur droit de retrait, au seul motif d’une exposition au virus à l’origine de l’épidémie Pour ces professionnels exposés de manière active au virus, il convient de prévoir des mesures de protection renforcées (masques, consignes d’hygiène, mesures d’organisation, suivi médical...).
Quelles mesures de précaution prendre, notamment à l’égard des personnels ayant un contact étroit et régulier avec le public ou une communauté ?
Il est rappelé que, d’après les données épidémiologiques disponibles à ce jour, seul un contact rapproché et prolongé avec des personnes présentant des symptômes pourrait les contaminer. La transmission du virus se fait par un contact étroit et notamment l’émission de gouttelettes de salive qui pénètrent dans les voies respiratoires.
Un contact étroit s’entend d’une personne qui a partagé le même lieu de vie que le cas confirmé pendant plusieurs heures et/ou a eu un contact direct avec lui, en face à face, à moins d’un mètre du cas et/ou pendant plus de 15 minutes, au moment d’une toux, d’un éternuement ou lors d’une discussion.
De ce fait, les mesures « barrière », disponibles et actualisées sous https://www.gouvernement.fr/info coronavirus, garantissent le respect des recommandations du gouvernement, notamment celles ayant trait au lavage très réguliers des mains. Elles peuvent, le cas échéant, être complétées par des mesures comme l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre pour les personnels de guichet.
Pour les agents en contact régulier et étroit avec le public ou une communauté, l’exercice du droit de retrait se fondant sur l’exposition au virus ne peut donc trouver à s’exercer que de manière tout à fait exceptionnelle, les conditions de danger grave et imminent n’étant en principe pas réunies. En revanche, les mesures de prévention doivent être particulièrement déployées à leur intention.
Existe-t-il des sanctions en cas d’exercice abusif du droit de retrait ?
Il est rappelé qu’aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut être appliquée dans le cas de l’exercice légitime du droit de retrait.
Par contre, en cas d’usage abusif du droit de retrait il est possible de procéder à une retenue sur traitement pour service non fait.
Une sanction disciplinaire peut également être prononcée pour un comportement contraire à l’obligation d’obéissance ou pour absence injustifiée.